La Cour suprême du Royaume-Uni annule les frais de procédure pour assurer l’accès des travailleurs et travailleuses à la justice
R (à la requête d’UNISON) (requérant) c. le Lord Chancelier (défendeur), [2017] UKSC 51
Avant la promulgation de l’Arrêté de 2013 concernant les frais à payer dans les tribunaux du travail et dans le tribunal d’appel en matière d'emploi (Arrêté sur les frais à payer) au Royaume-Uni, un requérant pouvait engager des procédures et des recours en appel en matière d’emploi sans payer aucun frais. Des frais ont été instaurés au titre de l’Arrêté sur les frais à payer, le montant variant en fonction de facteurs tels que la classification et la complexité de la requête.
Le syndicat UNISON (le requérant), avec l’appui de la Commission sur l'égalité et les droits humains et du Syndicat des travailleurs et travailleuses autonomes de Grande-Bretagne en tant que parties intervenantes, a contesté la légalité de l’Arrêté sur les frais à payer devant la Cour suprême. Il a fait valoir que les frais portaient indûment atteinte au droit d’accès à la justice en vertu tant du common law que du droit européen, entravaient l’exercice de droits prescrits par la loi en matière d’emploi et étaient discriminatoires pour les femmes et autres
groupes protégés.
Le gouvernement a, pour sa part, fait valoir que les frais étaient légaux car il n’y avait aucune preuve concluante que quelqu’un avait été privé de l’accès aux tribunaux pour incapacité de paiement. Il considérait que les frais étaient abordables car les personnes démunies étaient admissibles à une annulation intégrale des frais et les autres avaient les moyens de payer. Rejetant ces arguments, la Cour a confirmé qu’il ne fallait pas de « preuve concluante » pour déterminer la privation d’accès à la justice. La
démonstration d’un risque réel est suffisante et la Cour a déduit de la baisse marquée et soutenue du nombre de requêtes qu’un nombre important de personnes qui auraient autrement déposé une requête considéraient les frais inabordables. L’annulation discrétionnaire des frais a été jugée insuffisante car les problèmes relevés étaient systémiques plutôt que limités à des cas exceptionnels. La Cour a de plus statué que ce ne sont pas seulement des frais inabordables qui entravent l’accès à la justice, mais aussi des circonstances où les frais
rendraient futile ou irrationnel le dépôt d'une requête. Fait important, la Cour a conclu que les frais ne pouvaient pas être considérés comme abordables « [l]orsque les ménages aux revenus faibles à moyens ne peuvent assumer les frais qu’en sacrifiant des dépenses ordinaires et raisonnables nécessaires pour maintenir ce qui serait généralement considéré comme un niveau de vie acceptable. »
La Cour a déterminé que même une entrave à l’accès aux tribunaux qui ne soit pas insurmontable sera illégale à moins qu’elle ne puisse être justifiée comme étant raisonnablement nécessaire à la réalisation d’un objectif légitime. Trois arguments ont été avancés pour justifier l’imposition des frais. En premier lieu, que les frais permettraient de faire passer une partie de la charge financière des contribuables aux personnes utilisant le système. En deuxième lieu, pour décourager le dépôt de
requêtes mal fondées ou malveillantes. En troisième lieu, pour encourager des règlements plus rapides. À partir des éléments dont elle disposait, la Cour a rejeté chacun des arguments.
La Cour a également conclu que l’Arrêté sur les frais à payer était indirectement discriminatoire au titre de la Section 19 de la Loi sur l’égalité de 2010 car les frais plus élevés pour certaines requêtes (c.-à-d. de type B) défavorisaient particulièrement les femmes et autres personnes ayant des caractéristiques protégées, qui déposent une plus grande partie de ces requêtes.
Le ministre de la Justice a annoncé que la perception de frais prendrait fin immédiatement et que le gouvernement entamerait un processus de remboursement de tous les frais versés depuis 2013.
Cette décision capitale a été reconnue comme défendant l’accès à la justice pour les travailleurs et travailleuses. . La décision reconnaît la dynamique de pouvoir inégale entre les travailleurs/euses et leurs employeurs et, pour faire respecter fermement le libre accès aux cours et aux tribunaux, souligne que les droits, pour être effectifs, doivent être exécutoires dans la pratique.
Le droit à un niveau de vie suffisant est un droit fondamental en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce jugement démontre que le discours concernant les niveaux de vie décents a une incidence sur la prise de décisions judiciaires et administratives, et par extension, sur les politiques publiques au Royaume-Uni. La décision fait aussi ressortir la nécessité de sauvegarder l’accès à la justice. La disponibilité de recours judiciaires utiles est essentielle à la réalisation des droits humains. Un autre résultat important réside dans
l’attention accordée à la question de la discrimination indirecte à l’égard des femmes et d’autres personnes
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