Déclaration politique : Grève mondiale des femmes 2022

Date de publication : 
Mercredi, 2 mars 2022

À l'occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes, les femmes du monde entier réaffirment qu'elles constituent une force puissante à ne pas sous-estimer, car elles luttent collectivement contre l'oppression et font tomber les barrières systémiques et structurelles.

Face à la pandémie, les femmes dans toute leur diversité - dans les syndicats et les usines, dans les fermes et les communautés autochtones, dans les centres urbains pauvres, au sein d'organisations structurées ou de mouvements informels - ont continué à se mobiliser et à se placer en première ligne de la lutte contre la COVID-19, et de la lutte contre l'aggravation des crises politiques et socio-économiques inhérentes à un système patriarcal, colonial, raciste et impérialiste. 

Malgré l'échec des réponses des gouvernements et leur manque de responsabilité, les femmes ont démontré leur résistance à la montée des réponses autoritaires et militaristes à la pandémie en prenant des initiatives pour leurs communautés. Les femmes ont dirigé des cuisines et des garde-manger communautaires, et fourni des repas et de l'aide aux communautés pauvres, sans emploi et négligées. Elles ont répondu aux besoins des femmes soumises à diverses formes de violence, tout en se défendant contre des attaques incessantes. Des femmes autochtones ont défendu leurs terres ancestrales dans un contexte de militarisation accrue lors des confinements. Les femmes défenseurs des droits humains sont confrontées à des violences perpétrées par les forces de l'État et les grandes entreprises.

Même face aux crises, les femmes ont résisté et se sont épanouies. Grâce à l'action collective, nous conservons notre position et continuons à faire grève.

Nous faisons la grève pour un accès universel à des systèmes de soins de santé publique de qualité et centrés sur les personnes, et pour une équité en matière de vaccins pour tous les pays. 

La pandémie a révélé les insuffisances criantes des couvertures de santé et des réponses commercialisées, privatisées et centrées sur les villes. Il faut mettre fin immédiatement aux règles commerciales et aux traités d'investissement conçus pour permettre aux multinationales de réaliser des profits au détriment de la santé publique. Les féministes du monde entier soutiennent l'appel à mettre fin à la mainmise des entreprises et à mettre en place une dérogation à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour tous les médicaments, dispositifs médicaux et autres produits médicaux. Les règles commerciales qui imposent les intérêts des entreprises et sapent la capacité des États à protéger la santé publique doivent également être suspendues. 

Nous faisons grève pour souligner l'urgence d'un nouveau pacte social plus juste sur les soins.

Cela fait trop longtemps que les femmes sont contraintes de se plier à des structures patriarcales anciennes, injustes et toujours en vigueur, qui naturalisent les soins comme étant la seule responsabilité des femmes dans la société. Comme l'a montré cette crise, les soins sont au cœur même de nos sociétés et de nos économies, mais restent le plus souvent méconnus et invisibles, et sont de plus en plus privatisés et transformés en source de profit pour les entreprises. Un pacte social sur les soins, féministe et fondé sur les droits, ne pourra voir le jour que lorsque les activités économiques ne s'appuieront plus sur la dévalorisation du travail des femmes comme source d'avantage concurrentiel. Par ce nouveau pacte sur les soins, nous appelons les gouvernements et les autres parties prenantes à redistribuer, réduire et reconnaître les soins, à garantir la participation pleine et effective des travailleur/euse-s de soins et des réseaux de soins communautaires dans la prise de décision sur les politiques de soins, à garantir les droits de ces travailleur/euse-s rémunéré-e-s et sous-payé-e-s, à faire des soins une question de droits et non une question de privilèges, et à créer des solutions centrales en matière de soins ou des alternatives au modèle économique actuel, en tenant compte de la manière dont les soins sont compris dans différents contextes.

Nous faisons grève pour des conditions de travail sûres, un travail décent et des salaires décents pour toutes les travailleuses.

Avant même que la pandémie ne frappe, des millions de travailleuses des secteurs formel et informel, y compris les employées de maison et les travailleuses migrantes, ont été confrontées à la violence sur leur lieu de travail, à des salaires médiocres et à des conditions de travail précaires. La pandémie de COVID-19 n'a fait qu'exacerber la situation déjà désastreuse des travailleuses du monde entier. Les femmes ont subi des pertes d'emplois et de revenus disproportionnées en raison de leur surreprésentation dans les secteurs les plus touchés, tels que l'hébergement et la restauration, et le secteur manufacturier. Les féministes demandent aux gouvernements de veiller à ce que les travailleuses, y compris celles qui sont handicapées, les migrantes, les immigrantes et les réfugiées, y compris les sans-papiers, bénéficient de subventions salariales et de mesures d'aide économique, de la garantie d'un salaire décent, d'une protection sociale universelle et d'autres avantages, et soient protégées contre toutes les formes de violence sur leur lieu de travail.

Nous faisons grève pour les systèmes alimentaires locaux et communautaires, les droits des femmes à la terre et aux ressources, et la souveraineté alimentaire.

La pandémie a mis en évidence les faiblesses d'un système alimentaire dominé par les puissances impérialistes. L'insécurité alimentaire et la faim atteignent des sommets inégalés alors que les terres et les ressources domestiques sont continuellement pillées et exploitées. Dans ce contexte, les femmes militantes de la base se sont levées et ont démontré leur résistance au système alimentaire dominant en développant des alternatives et en soutenant des systèmes locaux et communautaires qui répondent aux besoins alimentaires locaux et à l'autosuffisance alimentaire. Ces systèmes alimentaires doivent être protégés et promus en lieu et place du système alimentaire mondial corporatiste, et les droits des femmes à la terre et aux ressources productives doivent être garantis, car ils sont essentiels à la réalisation des droits humains des femmes et à la mise en place de systèmes alimentaires équitables et durables. De même, la souveraineté alimentaire, ou l'autodétermination des communautés sur la production alimentaire et l'utilisation des ressources, y compris les pratiques agro-écologiques, doit également être réalisée afin de garantir le droit des peuples à une alimentation sûre, nutritive et culturellement appropriée. Nous appelons également au respect, à la protection, à la réalisation et à la promotion du droit à la terre des femmes paysannes et autochtones, y compris le droit des peuples autochtones au consentement préalable, libre, éclairé et continu, ainsi que des droits plus larges liés au logement, à la terre, à l'alimentation et aux moyens de subsistance pour toutes les femmes.

Nous faisons grève pour des solutions féministes en matière de climat et de biodiversité qui protègent l'environnement et les droits et moyens de subsistance des femmes. 

Les fausses solutions climatiques axées sur le profit, alimentées par le capitalisme et des systèmes oppressifs, ont favorisé le développement à grande échelle, perpétuant l'oppression des femmes par l'accaparement des terres. Elles ont également renforcé les gouvernements autoritaires et le militarisme dans les communautés rurales et autochtones. Nous devons saisir cette occasion pour opérer une transition juste et équitable, en passant d'une économie fondée sur la consommation, l'extraction et l'exploitation, à un modèle socio-économique juste, durable et axé sur les besoins et les droits des communautés. Il faut pour cela mettre fin à la dépendance énergétique vis-à-vis des combustibles fossiles et construire une démocratie énergétique. Il faut également analyser les impacts sexospécifiques du changement climatique et garantir la participation active des femmes dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des initiatives en matière de changement climatique.  Il est temps d'établir un nouveau contrat social durable qui mette un terme aux crises du climat, de la pollution et de la biodiversité, à la crise sanitaire et à la crise des inégalités. 

Nous faisons la grève pour un monde juste du point de vue du genre, exempt d'oppression, d'injustices et de violence à l'encontre des femmes défenseurs des droits humains. 

Les femmes défenseurs des droits humains sont en première ligne de la lutte contre l'impunité et l'oppression, défiant les systèmes oppressifs et dénonçant les injustices. Leur formidable travail et leur dévouement à la lutte pour la justice en matière de développement font d'elles des cibles de menaces et de violences. Des milliers de femmes défenseurs des droits humains sont harcelées, diffamées, arrêtées, portées disparues et tuées dans le monde entier. Elles subissent aussi souvent des représailles de la part de leur propre communauté, de leurs organisations et de leur entourage proche pour s'être exprimées et avoir défié les normes patriarcales. La persécution politique et la criminalisation de la dissidence doivent cesser. De même, les auteurs, y compris les gouvernements et les forces de l'État, doivent être tenus pour responsables de ces attaques. 

L'impact persistant de la pandémie de COVID-19 a mis en évidence le fait que les femmes font bouger le monde et que le travail productif et reproductif dépend des femmes. Les femmes, comme le démontrent leurs affirmations et leur résistance, sont conscientes que la lutte militante est impérative pour mettre fin aux crises engendrées par le capitalisme impérialiste, le racisme, le fondamentalisme, le militarisme et le patriarcat. En effet, ce n'est que lorsque les inégalités de richesse, de pouvoir et de ressources entre les pays, entre les riches et les pauvres, et entre tous les sexes seront démantelées que les femmes seront réellement libres et que les droits humains des femmes seront réalisés.

Ainsi, en cette Journée internationale pour les droits des femmes, nous célébrons les milliards de femmes qui continuent à faire entendre leur voix, à faire tomber les barrières et à appeler à l'action collective et à la solidarité pour faire de la justice en matière de développement une réalité pour tous. Aujourd'hui plus que jamais, nous réaffirmons que si les femmes s'arrêtent, le monde s'arrête.


Pour en savoir plus :

www.womensglobalstrike.com/fr