La Cour interaméricaine impose une obligation positive de mettre progressivement en œuvre une procédure pour les personnes vivant avec le VIH
Cuscul Pivaral et autres vs. Guatémala
Dans une affaire qui concerne 49 personnes vivant avec le VIH entre 1992 et 2003, la Cour a conclu que le Guatemala avait violé les droits à la santé, à la vie, à l'intégrité personnelle, à la procédure judiciaire, à la non-discrimination des victimes et au droit à l'intégrité personnelle de plusieurs membres de la famille. La Cour a noté que le Guatemala était le pays d'Amérique centrale qui comptait le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH, soit environ 52 000 personnes en 2018. Le gouvernement guatémaltèque a tenté de remédier à cette crise par le biais de lois et de politiques publiques, notamment par la mise en place d'un traitement antirétroviral à partir de 1999, mais sa réponse a été insuffisante.
La Cour a réaffirmé que le droit à la santé était un droit autonome découlant de l'article 26 de la Convention américaine. Pour promouvoir le droit à la santé, un État doit fournir un traitement médical permanent et de qualité, avec une approche globale comprenant des services de diagnostic, des soins préventifs, un traitement médical et une réglementation légale suffisante pour soutenir le droit. Les États doivent mettre en œuvre ce droit ainsi que d’autres droits économiques, sociaux et culturels dérivés de l’article 26, de manière à assurer leur mise en œuvre progressive ; ce qui implique certaines obligations immédiates ainsi que le devoir d’adopter des mesures visant à faire progresser la réalisation de ces droits.
La Cour a estimé que le Guatemala avait violé plusieurs obligations liées au droit à la santé. Premièrement, la Cour a conclu que le Guatemala avait violé son obligation de fournir aux victimes des soins de santé disponibles, accessibles et de qualité, puisque 48 d’entre elles n’avaient reçu aucun traitement avant 2004 et qu’une autre n’avait reçu que des soins irréguliers et des antirétroviraux. En ce qui concerne l'après-2004, la Cour a analysé la situation de chaque victime et a conclu à de nombreuses violations en raison d'un accès irrégulier, inexistant ou insuffisant aux soins. Les raisons de l’absence d’accès ont été individualisées, comme par exemple l’examen, par la Cour, de la manière dont cinq requérants démunis vivant loin du lieu de soins n’y avaient effectivement pas accès. La Cour a également constaté des violations du devoir de non-discrimination de l'État, notant que le statut VIH + était l'une des «autres conditions sociales» couvertes par la garantie d'égalité de la Convention américaine relative aux droits humains et observant que les femmes, en particulier les femmes enceintes, avaient subi des préjudices intersectionnels spécifiques. Enfin, s'agissant du devoir de progressivité et du droit à la santé, la Cour a estimé que l'État n'avait pas respecté cette obligation pour la période antérieure à 2004 en raison de son «inaction» à l'égard des personnes vivant avec le VIH pendant cette période.
Dans cette affaire, la Cour a également expliqué en détail comment le principe de réalisation progressive s'appliquait à tous les droits économiques, sociaux et culturels découlant de l'article 26. Même en tenant compte des ressources d’un État, le devoir de progressivité s’impose, l’inaction du Guatemala dans cette affaire étant contraire à son devoir de réaliser progressivement le droit à la santé. La décision de la Cour est également remarquable par ses analyses intersectionnelles concernant le statut VIH +, le genre, la condition socio-économique et d’autres facteurs.
Pour leurs contributions, des remerciements particuliers au membre du Réseau-DESC: le Program on Human Rights and the Global Economy (PHRGE) à la Northeastern University.
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