Des tribunaux britanniques font valoir le droit des femmes à un logement convenable et à la protection sociale
Yemshaw c. London Borough of Houslow, [2011] UKSC 3
The Queen, à la demande de Sheila Winder, Lisa Marie Dowen et Sarah Hampton c. Sandwell Metropolitan Borough Council, 2014] EWHC 2617 (Admin)
La violence familiale – qui touche principalement les femmes – oblige souvent les femmes à s’enfuir de chez elles et est une des premières causes du sans-abrisme. D’autres restent piégées dans un environnement violent, le manque de possibilités de logement sûr venant aggraver la situation. Le Groupe de travail du Réseau DESC sur les femmes et les DESC (FDESC) souligne que la violence familiale fait obstacle à la pleine réalisation du droit des femmes à la terre, au logement et aux ressources
naturelles. Dans ce numéro de Justice-DESC, nous examinons deux affaires du Royaume-Uni qui concernent l’intersection entre la violence familiale et la jouissance par les femmes du droit à un logement convenable et d’autres droits humains. Compte tenu de l’ampleur mondiale de la violence familiale (l’OMS estime que près d’un tiers de toutes les femmes dans le monde ont été victimes de violence de la part d’un partenaire intime), ces affaires présentent un intérêt pour toutes les juridictions.
Dans l’affaire Yemshaw c. London Borough of Houslow, la requérante était une femme mariée qui avait quitté son foyer familial avec ses deux jeunes enfants car elle estimait que son mari la traitait comme une moins que rien. Il lui criait après, refusait de lui donner de l’argent et l’a amenée à craindre qu’il ne la frappe ou ne lui enlève ses enfants. Elle s’est adressée à l’autorité locale du logement pour se faire aider à trouver un hébergement. Comme son mari ne l’avait jamais frappée ni menacée de lui infliger des
sévices corporels, l’autorité du logement a refusé de l’aider. La Cour suprême du Royaume-Uni a confirmé que la définition légale du mot « violence » va au-delà du contact physique et englobe la maltraitance émotionnelle et psychologique, ainsi que financière, pour être considéré sans abri et avoir accès au logement social. La décision était fondée sur des normes nationales et internationales applicables, notamment la Recommandation générale no 19 formulée par le Comité des Nations sur l’élimination de la discrimination à
l’égard des femmes.
Une autre affaire va un peu plus loin, en tenant compte de l’effet d’entraînement de l’instabilité du logement sur d’autres droits économiques, sociaux et culturels. Il s’agit de : The Queen, à la demande de Sheila Winder, Lisa Marie Dowen et Sarah Hampton c. Sandwell Metropolitan Borough Council, 2014] EWHC 2617 (Admin) L'affaire a été introduite par trois femmes qui, même si elles étaient financièrement admissibles à un allègement de la taxe d'habitation, se le sont vu refuser en raison d’une condition de résidence de deux ans apparaissant
dans un plan fiscal qui venait d'être adopté. Les trois femmes avaient vécu à Sandwell la majeure partie de leur vie, mais pas pendant les deux ans antérieurs à l'adoption du plan fiscal. Chaque femme avait vécu une situation de logement instable en raison de la violence familiale, la maladie mentale, ou du fait d’avoir récemment perdu son mari, et disposait de revenus extrêmement limités. La Haute Cour de justice du Royaume-Uni a aboli la condition de résidence pour plusieurs motifs, notamment parce qu’elle ne répondait à aucune disposition législative, qu’elle était discriminatoire à
l’égard des femmes et des ressortissants non britanniques et qu’elle ne respectait pas l’obligation de consulter les parties concernées. La condition de résidence ne correspondait pas à l’intention de l’assemblée législative, qui était manifestement de venir en aide à ceux et celles qui en avaient le plus besoin. Elle pourrait pousser les gens à opter pour les prestations sociales plutôt que de s’en aller, ce qui pourrait affecter tout particulièrement les personnes vulnérables, telles que celles qui fuient la violence familiale. La Cour a signalé que le problème pourrait s’aggraver si d‘autres
autorités adoptaient une condition de résidence de même nature. S’agissant de la discrimination, la Cour a conclu que la condition de résidence était indirectement discriminatoire à l’égard des femmes, parce que les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d’être victimes de violence familiale, ce qui pourrait les obliger à fuir vers une localité différente, que les personnes qui s'enfuient ont souvent des ressources très limitées et qu’une personne fuyant vers Sandwell ne remplirait pas la condition de résidence.
Les deux affaires illustrent l’impact de la violence familiale sur la jouissance des droits humains dans la pratique, en particulier du droit à un logement convenable et à la protection sociale. Les décisions, pour ce qui est de l’adoption d’une vision plus globale de l’expérience de la violence fondée sur le sexe et de la prise en compte de la discrimination indirecte comme élément clé d'une analyse plus générale de l'égalité de fait, représentent une contribution importante à l’évolution des stratégies visant à prévenir la violence
à l’égard des femmes et à assurer la protection effective des droits fondamentaux des femmes. De plus, comprendre et confronter la violence familiale – ainsi que d’autres formes de violence en général – peut contribuer à corriger la tendance à l’augmentation des inégalités, l’une des conditions mondiales communes énoncées dans la Charte commune pour la lutte collective du réseau.
Nous remercions particulièrement de leurs contributions Child Poverty Action Group et les membres du Réseau DESC : Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE); and JustFair UK.
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