Les résidents et résidentes d’un refuge contestent avec succès les règles de séparation des familles et d’interdiction d’accès
Dladla c. la Ville de Johannesburg, (2017) ZACC 42
Cette affaire est issue du jugement concernant Blue Moonlight, où la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud a statué que les municipalités étaient constitutionnellement tenues d’assurer un hébergement temporaire d’urgence à toutes les personnes expulsées qui se retrouveraient sans abri. La Cour a ordonné à la ville de Johannesburg d’assurer un hébergement temporaire aux personnes menacées d'expulsion de leur résidence dans un immeuble commercial sur l'avenue Saratoga. La ville a confié par contrat à Metropolitan Evangelical Services (MES) le soin
d'assurer l'hébergement temporaire au refuge Ekuthuleni Overnight/ Decant Shelter. Les requérants dans cette affaire, 11 personnes expulsées qui ont été transférées au refuge, ont contesté deux de ses règles. La première, la règle d‘interdiction d’accès, défendait aux résidents et résidentes d’entrer au refuge pendant la journée et de sortir après 20h00. La deuxième, la règle de séparation des familles, obligeaient les hommes et les femmes à dormir dans des dortoirs distincts, séparant ainsi les couples hétérosexuels, et les enfants de
plus de 16 ans de leur gardien ou gardienne du sexe opposé.
Les requérants et requérantes ont fait valoir que la ville ne respectait pas l’ordonnance rendue dans l’affaire Blue Moonlight car les mesures adoptées étaient contraires au droit d’accès à un logement convenable établi dans la section 26 de la Constitution.
Ils/elles ont également fait valoir que les règles du refuge portaient atteinte, à leur droit à la dignité, à la liberté et sécurité de leur personne et au respect de leur vie privée, consacrés respectivement dans les sections 10, 12 et 14 de la Constitution.
Les requérantes et requérants ont eu gain de cause devant la Haute Cour, mais la Cour suprême d’appel a renversé la décision. Bien que la Cour d’appel ait reconnu que les règles portaient atteinte à des droits constitutionnels, elle a statué qu'il s’agissait d’une atteinte raisonnable.
La Cour constitutionnelle a autorisé le recours en raison des questions constitutionnelles soulevées par l’affaire ainsi que de l'importance publique générale de celle-ci. La Cour a statué qu’en assurant un hébergement temporaire, la ville avait respecté le droit constitutionnel à un logement convenable, et a donc centré ses délibérations sur les droits constitutionnels à la dignité, au respect de la vie privée et à la liberté et sécurité de la personne, droits auxquels auraient porté atteinte les règles du refuge.
La Cour a statué que la règle d’interdiction d’accès et la règle de séparation portaient toutes deux atteinte aux droits constitutionnels des requérantes et requérants. En les forçant à rester dans la rue pendant la journée, la règle d’interdiction d’accès était « cruelle, condescendante et dégradante », une violation manifeste de la dignité, de la vie privée et de la liberté personnelle. La règle portait aussi atteinte au droit des requérantes et requérants à la sécurité de leur personne.
Le fait que plusieurs requérantes et requérants ont été agressés dans la rue alors qu’ils/elles étaient interdits d’accès au refuge en témoigne. Par ailleurs, la Cour a signalé que la dignité implique nécessairement le droit à la vie familiale, sur lequel empiétait la règle de séparation.
Le 1er décembre 2017, la Cour constitutionnelle a donc annulé l’ordonnance de la Cour suprême d’appel et l'a remplacée par une décision affirmant que les règles du refuge portaient atteinte au droit constitutionnel des requérantes et requérants à la dignité, à la liberté et sécurité de leur personne et au respect de leur vie privée.
Reconnaissant l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits, le jugement de la Cour fixe des normes relatives au logement concernant environ 60,000 personnes qui vivent dans les quartiers défavorisés de Johannesburg et ont besoin de logements de meilleure qualité et plus sûrs. La décision aura probablement une incidence positive sur les femmes, les enfants et les familles vivant dans des refuges et dont les droits au respect de la vie privée, à la dignité, à la vie familiale, à la liberté et à la sécurité liés au logement sont menacés.
Commentant l’affaire, Nomzamo Zondo, avocat des résidentes et résidents et directeur de la conduite des litiges au Socio-Economic Rights Institute (SERI) d'Afrique du Sud, a déclaré : « La ville a tout ce temps traité nos clients comme des êtres inférieurs. … Nous espérons que le jugement rendu aujourd'hui amènera un changement d’attitude par rapport aux populations pauvres et vulnérables des quartiers défavorisés de Johannesburg, et que la ville… commencera à les traiter avec le soin, le respect et l’attention qu’elles méritent. »
Socio-Economic Rights Institute of South Africa (SERI) et Programme sur les droits humains et l’économie mondiale (PHRGE) de la Northeastern University.
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