La Haute Cour ougandaise ordonne des réformes structurelles pour lutter contre les expulsions forcées
MUHINDO JAMES & AUTRES CONTRE LE PROCUREUR GÉNÉRAL, (2019), N ° de l’affaire: Causes diverses n ° 127 de 2016
La Haute Cour de justice ougandaise a estimé que le fait que le gouvernement ougandais n’ait pas mis en place un cadre juridique complet protégeant les personnes menacées d’expulsion constituait une violation des droits à la vie, à la dignité et à la propriété énoncés aux articles 22, 24, 26, 27 et 45 de la Constitution ougandaise de 1995. La Cour a ordonné au gouvernement de formuler de manière accélérée des lignes directrices relatives aux expulsions, notant que même lorsque les expulsions sont inévitables, il est nécessaire de veiller à ce
qu'elles soient conformes aux droits humains.
Parmi les requérants figuraient des individus qui avaient été expulsés en Ouganda, dont l'un prétendait avoir échappé à une démolition massive impliquant « l'utilisation aveugle de gaz lacrymogène, qui avait coûté la vie à certaines personnes ». Ils ont fait valoir que les expulsions forcées entraînaient des violations généralisées des droits humains, notamment des traitements inhumains et dégradants, pertes de vies humaines et moyens de subsistance et destruction des maisons. En outre, ils ont fait valoir que les expulsions entraînaient le
déplacement et la dispersion des familles ; ce qui entraînait l'abandon scolaire des enfants – excessivement des filles -, la rupture des liens familiaux et communautaires, ainsi qu’un traumatisme psychologique.
La Cour a noté que, même si certaines expulsions pouvaient être légales, les expulsions forcées «entraînaient généralement de graves violations des droits humains, en particulier lorsqu'elles étaient accompagnées d'un recours à la force». La Cour a cité la fiche d'information no 21 des Nations Unies sur l'habitat qui obligeait les gouvernements à explorer toutes les alternatives possibles avant une expulsion afin de minimiser le recours à la force. En outre, la Cour a affirmé que toutes les personnes menacées d'expulsion avaient droit à une
procédure régulière, telle qu'une audience rapide et équitable, et que la protection des personnes se trouvant sur les terres ne devrait pas être liée aux droits de propriété des occupants. Lorsqu'une expulsion est jugée nécessaire, les personnes concernées devraient bénéficier de garanties procédurales, notamment d'une possibilité de consultation; avis adéquat; informations disponibles sur l'expulsion, la présence de représentants du gouvernement, l'identification correcte des personnes qui effectuent l'expulsion, l'interdiction d'expulser par mauvais temps ou durant la nuit, la
disponibilité de recours légaux; et la disponibilité de l'aide juridique pour demander réparation judiciaire.
La Cour a estimé qu'il n'existait aucun cadre juridique complet régissant les expulsions en Ouganda et que l'absence de telles directives violait les droits consacrés aux articles 22, 24, 26, 27 et 45 de la Constitution ougandaise. La Cour a ordonné au gouvernement ougandais de lancer un processus accéléré d’élaboration de règles d’expulsion. La Cour a indiqué que ce processus devrait être participatif et inclure les personnes concernées.
La Cour a donné au gouvernement sept mois pour faire un rapport sur ses progrès en matière de respect de l’ordonnance.
Pendant des décennies, de nombreux Ougandais(es) ont été soumis à des régimes fonciers précaires ou à des expulsions forcées, souvent malgré les revendications coutumières, alors que les agences gouvernementales, les sociétés transnationales et d'autres acteurs puissants se livraient à l'accaparement des terres et à la dépossession. La protection contre les expulsions forcées est essentielle pour réduire ces forces de marginalisation, faisant de la décision de la Haute Cour un pas important dans cette direction.
Cette décision est remarquable par la nature structurelle des recours demandés et ordonnés. Les requérants ont réussi à faire déclarer que l'absence de réglementation procédurale adéquate en matière d'expulsion du gouvernement était contraire aux droits des personnes concernées. Ce faisant, ils ont ouvert la porte à la Cour pour ordonner à l'État de traiter de manière exhaustive le cadre juridique régissant les expulsions.
Pour ses contributions, un remerciement particulier au membre du Réseau-DESC: le Program on Human Rights and the Global Economy (PHRGE) | Northeastern University
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